La Science-Fiction…
Se préoccupant de l’avenir de la société humaine, la science-fiction est fatalement le théâtre de soubresauts consécutifs à la perte de confiance dans la science et dans le progrès scientifique qu’on observe aujourd’hui de par le monde, la perte de cette foi que nous inspirait naguère l’idée même de progrès et de « lendemains qui chantent » ; le phénomène gagne tous les domaines de notre environnement culturel ; le ton austère des œuvres de science-fiction récentes en est l’effet, non la cause.
En reflétant cette sensation de catastrophe imminente, l’écrivain de science-fiction ne fait qu’adopter la démarche de tout auteur responsable : s’il a la conviction que les sinistres prédictions et autres bruits de bottes actuels sonnent le glas de la paix mondiale, il n’a pas d’autre choix que de traduire ses sentiments en mots – sauf s’il est mû par le seul goût du profit, auquel cas il ne met jamais par écrit ses propres sentiments, mais seulement ceux qu’il tient pour commercialement rentables.
En effet, tout écrivain responsable se retrouve à présent – dans une certaine mesure – en position de tirer la sonnette d’alarme, pour la bonne raison que la fin des temps est dans l’air ; mais c’est encore plus vrai chez l’auteur de science-fiction, puisque cette branche de la littérature a toujours eu pour vocation de véhiculer la contestation.
Ses acteurs n’ont pas simplement tendance à endosser le rôle de Cassandre ; ils y sont contraints – à l’exception bien sûr de ceux qui croient sincèrement qu’en se réveillant un beau matin ils vont apprendre que des Martiens à l’esprit supérieur ont subtilisé toutes les bombes, toutes les armes pendant la nuit, et ce pour notre plus grand bien.
Extrait de « nouvelles » de Philip K Dick